SHORT STORIES
" Y "
Évidemment que cette histoire va me faire dérailler. Ma gorge est sèche et mon cendrier est plein, j'ai taillé n'importe comment dans mes cheveux, comme si ça avait réellement aucune importance. J'ai un côté plus long que l'autre, avec des mèches complètement aléatoires, comme un nid d'oiseau. J'ai empoigné ma veste longue et j'suis sortie, malgré la déchéance de mon appartement, mon look est précisément ciselé, boucles d'oreilles lourdes, chaussures imposantes, ceinture qui claque et chaînes qui s'entrechoquent dans un bruit de métal à chaque pas. Une légère fragrance de parfum ambré mêlé au tabac froid me suit et meurt dans le vent de mon passage. Pas eu le temps de me coiffer, je rejoins Y qui est arrivé à la capitale. C'est un pote de longue date, de distance aussi, il vient de loin. On s'est connu sur internet, quand j'ai vu ce qu'il faisait j'ai été direct scotché, le plus fou, c'est qu'il a la même énergie que moi, plus ou moins. Je dirai pas qu'on est pareil lui et moi, on est clairement différent, mais il y a une aura qui fait qu'on se ressemble. Je l'ai rencontré une fois dans le monde réel lors d'un voyage, c'était court. Lui et moins on a peint dans le garage pendant 4 jours, on s'est éclaté. Il avait une copine à l'époque un véritable soleil d'amour. Ils se sont disputé le dernier soir ou je suis rentrée. Y, c'est un peu un chat noir anxieux, il vit dans un endroit hyper clean, il est pas très grand. Ni très imposant. Il a cette insécurité qu'il masque par un mécanisme d'auto-destruction. Ce type, il descend 12 bières de 500ml en quelques heures, c'est un putain de monstre. J'pense que chacun à ses moyens persos de gérer ses démons, de se contrôler face à l'injustice et la douleur de ce monde. L'anesthésie pseudo-légale, clope et alcool. Il passait par la capitale pour passer deux jours à se faire massacrer le dos par un tatoueur privé. Il allait prendre un train et rejoindre un autre type qui l'hébergeait, un mec sympa il parait. Je suis arrivée à la gare la première. Je me suis posée au bord de la rampe en regardant les passants. J'avais envie de fumer et de vomir.
On s'est presque manqué, j'ai reconnu son sac et pour capter son attention, je l'ai bousculé, sans tact. Prête à l'embrouiller, j'ai foncé sur lui, il avait relevé ses cheveux en arrière, il était beau, le visage un peu défoncé. Il sentait l'alcool.
(...) Chouette moment, il m'a montré ce qu'il a emporté avec lui dans son sac. Il file des dessins, des stickers, des patchs. Il prend le soin de les signer. Il lève la tête et me sourit. (...) Je pourrai lui donner tout ce que j'ai. (...)
Début de soirée, il doit prendre son train. Il appelle son pote, il lui parle en anglais.
Quand le train arrive , il me sert dans ses bras et me dit qu'il m'aime. Je ne vois pas son visage. Si seulement il savait. C'est réciproque.
" On reste en contact ", j'espère qu'on se revoit bientôt, il se retourne et s'éloigne avec son sac à dos tellement reconnaissable.
Un creux distinct dans mon ventre, j'ai mal au ventre. Je ne mange pas.
Je suis allée à une release party d'un mag pour soutenir des jeunes dans leur projet.
L'atmosphère extérieure était vraiment agréable, même si j'étais éclatée par la fatigue car mon début d'après-midi fut occupé (toujours un tas de trucs à faire, jamais tranquille) par la réception d'un paquet d'affiche que j'ai du porter jusqu'au local. 5kg d'affiches. Gros évènement. Ca m'arrive d'aider à la préparation d'organisation dans l'évenementiel, c'est parfois très chaotique, mais ça me plait et ça me sort de l'isolement.
Lorsque je suis rentrée, j'étais vraiment crevée et j'ai eu l'excellente idée d'envoyer un message à un type qui a lâchement retourné sa veste. On était intéressé tous les deux, à vrai dire, c'est un type doué, bien plus âgé que moi, pas spécialement beau, mais doué et perséverant dans son son domaine. J'ai toujours été intéressée par le parcours de vie des gens que je rencontre, c'est enrichissant de pénétrer dans leurs vies, d'observer tout ce qui peut les entourer, les influencer, les animer. La plupart des fréquentations dont j'ai pu expérimenter par des rencontres sont des êtres humains assez torturés d'esprit. J'ai conscience que ça risque de m'influencer, mais à vrai dire, je pense que ma curiosité me pousse à aller vers ces gens-là que je souhaite comprendre, compatir, aimer et leur apporter du soutien, de la sincérité, peut-être un espoir ou une leçon de vie. Je n'ai parfois pas le courage d'aller jusqu'au bout, j'aime pas trop être moralisatrice ou agir comme une daronne. Particulièrement parce que l'image de la mère qui protège son gosse alors qu'il essaie de s'émanciper à de plus grandes chances de rejet. Mais certaines personnes ont besoin de ça, et je le remarque. L'attirance ou romantisme c'est une forme d'attraction pour la différence, et l'acceptation de celle-ci. Moi ce qui m'attire, c'est les esprits avant tout, le potentiel intellectuel, la passion et l'obsession, l'irrationnel. Et ce qui me garde, c'est le respect, l'échange équivalent, la considération, l'espace et la distance.
Par tous moyens, je cherche à construire ce qui me correspond. Si j'aime une personne de manière intense, excessive, ça peut être dangereux car je serais vite lasse, de l'incapacité et imperfection de l'invididu. Parfois, ce qui me rejette m'attire, m'interpelle. Est-ce de ma faute ? Je suis plutôt laide, mais je pense que même les visages asymétriques et corps anormaux peuvent être aimés, avec un peu de sincérité et de perséverance. Mon teint est saturé, ma bouche mal dessinée. Mes hanches sont saillantes, mes mollets me semblent énormes, mes bras sont déproportionnés et anormalement rachitiques. J'ai des joues gonflées, un nez trop petit, et mon corps, à tout moment se brise en deux par manque d'énergie. J'ai parfois des chutes de tensions phénoménales. Je pèse à peu près 40kg et mesure 1m63. Moi aussi je suis imparfaite, imprévisible, aléatoire. Je me trompe, fait des erreurs, regrette et puis relativise, me considère comme irraisonnée, irraisonnable. Je fais quand même attention, à tout cela. En réalité, je suis moins chaotique que certaines personnes qui vivent réellement en roue libre. Car j'peux pas me laisser larguer comme ça dans la vie, j'ai besoin d'une corde qui me maintien, une ancre de confiance. Pourtant quand je me retrouve à devoir répondre, toutes mes connaissances sont restées derrière moi et je cherche mes mots, brode des expressions lamentables, avec un timbre de voix inaudible. C'est souvent comme ça. J'ai l'air un peu intimidante les 10 premières minutes, et puis me transforme en chaton autiste. Je crois qu'on se sent tous un peu comme ça. Les gens autour de moi ne font pas des sans-fautes, on a tous des failles. Les plus stratèges et intéressés en profitent, dépendant de leurs intentions. Moi les miennes sont claires : je veux être respectée. Agir à la hauteur, être sage, distante. La distance est important pour moi. Je ne souhaite plus laisser personne m'approcher, me connaître car je ne peux qu'offrir qu'une part de moi-même, d'autant plus qu'on ne peut connaitre que partiellement une personne et que je ne suis pas fondamentalement intéressée à m'offrir dans mon entierté à qui que ce soit. D'où la raison qu'il est nécessaire de me justifier. Je communique comme je peux, j'atténue, intensifie, provoque, relativise, tente, explique, apporte, bloque, réfléchis, trouve une solution, ferme l'accès. L'ère des réseaux est influent dans notre vie et notre façon de communiquer, notre rythme, notre intellectualité. Nous avons accès à tout et devons faire des choix et des sacrifices. J'ai parfois l'impression d'absorber un maximum de données, de devoir rationnaliser avec ce que je veux être, donner, prendre. Lorsque j'éteins et coupe les réseaux, ça me manque et alors j'ai le raisonnement d'un type accro.
Malgré moi, j'aime les gens, les chats noirs, les incompris, les dérangés avec un charme. Je ne suis pas forcément intéressée par le charme, je ne tombe pas dans le panneau pour une paire d'yeux, mais mon regard se tourne sur le potentiel d'apport intellectuel, de moments de qualité, d'échange qui a le potentiel d'élever mon esprit. À vrai dire, tous les échanges peuvent être enrichissants, peu importe le physique, à voir comment on l'intériorise l'expérience. Oscar Wilde, disent les biographes, était capable de s'entendre avec tout types de personnes, venant de classes sociales différentes.
Il y a quand même, par une fierté irraisonnée, l'aspect physique qui compte beaucoup, l'illusion de se projeter à coté d'une personne. Ca me plait, ouais. Un minimum. La compagnie d'une personne canon et intelligente, attirante et charmante, ça ne se refuse pas. Cependant, c'est rare. Souvent ça colle pas ensemble, ou alors, ces gens se tiennent à distance des autres car ils savent, que le monde extérieur n'est qu'un jeu de prétention et que les fondements de leur sanité mentale ne s'intéresse pas à ce milieu. J'admire beaucoup les gens en réalité, dans le secret. Les introvertis particulièrement, possèdent une étincelle intellectuelle et technique pratique discrète. Les débrouillards aussi, les gens autonomes, avenants. Putain, j'aime ça.
Si les gens sont mauvais avec vous, ce n'est jamais totalement de votre faute, peut-être un pourcentage, mais il dépend de l'interaction et de la rationnalité de la responsabilité de chacun dans l'échange. Lorsqu'on crée une connexion, il faut l'entretenir ou sinon, elle se meurt. On n'est jamais obligé d'entretenir une relation, d'un côté, ça me perturbe de "lâcher" des gens. Je suis pas une lâche, mais je sais que je ne peux pas sauver tout le monde, que je ne peux pas supporter des gens toxiques, qui développement des comportements bizarres. Etrangement, je ne suis pas la seule à ne pas rejeter les gens, à les accepter comme ils sont, même les pires pourritures, j'ai remarqué ça dans les personnalités désespérées. Le danger des gens mauvais et de tolérer tout le monde, est d'être influencé par un comportement néfaste, et intégrer ces habitudes. Se protéger et dans certains cas refuser le monde est un moyen de défense. Une préservation de la vie aussi. Les cas désespérés côtoient la mort et par analogie, les individus dangereux qui passent par les mailles du filet de la justice. Je suis suicidaire, mais pas au point de laisser ma vie entre les mains d'une pauvre type mauvais.
J'ai décidé de n'accepter que des gens cools dans ma vie. Une copine appelle ça "les pépites de fin du monde". En réalité, je pense qu'une personne n'a le mérite de l'être tant que la distance mutuelle n'est pas instaurée. Bouclier de protection, par amour et respect. C'est important, il faut l'intégrer dans les relations qu'on veut protéger.
Parfois j'ai envie qu'on démonte, qu'on me blesse pour que je me sente vivre. Est-ce une réaction par rapport à une sagesse trop rigide ? Il m'est arrivé alors de me jeter dans la passion intense avec des inconnus, mais le regret amer me rattrape et j'aime pas trop ça. Ca donne une mauvaise image aussi. Être passionnel et insensé ça provoque des histoires. Le monde est petit. Les gens n'aiment pas trop s'approcher des gens malsains, ils ont peur pour leur propre sanité personnelle. Mais après tout, si ton intention est claire, peu importe les malentendus et désaccords, si tu es cohérent avec ton âme alors tu ne peux pas te trahir. Personnellement, j'ai experimenté par le passé et c'est pénible de se justifier.
"M"
Il faut que je vous parle de M. C'est une punkette stylé, avec une tête en plus que moi, haute perchée dans ses chaussures chunky et plates, lunettes sur le nez, regard sombre, intimidante. Elle a un coeur brisé tatoué sur la joue, résultat d'une déception amoureuse.
(wip)
"C"
Avez-vous déjà mis votre sang en bouteille ? J'ai reçu ce matin un paquet dans ma boîte aux lettres. Un paquet avec mon nom inscrit dessus, une belle écriture manuscrite me séduit. J'aime recevoir des lettres, je n'en reçois pas réellement souvent, mais le geste est si charmant. Savez-vous qu'après plusieurs mois, le sang change d'état et dégage une odeur nauséabonde, perçante qui mèle le dégout et l'appétit. En réalité, ça joue sur l'organisme, le système naturel.
"Seul dans l'univers"
Le temps qui file, de plus en plus de têtes, d'éléments à retenir, de souvenirs et mémoires, de choses à penser, organiser, projeter, ne pas oublier. Ma tête est pleine, je ne reconnais plus personne. Confusion ou nouvelles connexions ? Avancer et laisser son passé derrière soi est-il une bonne chose ? Je souhaite globalement tout retenir, avoir une maîtrise sur tout, jusqu'à la finalité de ma vie. Je prétends savoir, je prétends savoir où je vais, avec un pas sûr. Mais, quelque chose me dit qu'il faut que je retourne sur mes pas, que je prenne la main de chacun de mes camarades et que je les regarde dans les yeux pour leur demander si c'est ok si je parte ; les rassurer et leur dire que je ne serais jamais très loin, mais qu'il faut aller de l'avant et laisser faire le hasard du temps. On a trop forcé, parfois. Mais il faut que tout ceux que j'ai côtoyé, qui ont été précieux à mon coeur et à mon existence, sachent que ce n'est pas par lâcheté mais par ambition de vivre. Autour, nous gravitons et graviterons pour toujours autour l'un, de l'autre, dans le même monde.
Ne vous attachez pas trop, et laissez-vous libre.